Le spring training vu par un joueur : à 54 jours de souvenirs

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Maxime Lauzier

Publié le 22 décembre 2017 à 13h00

Alors qu’un grand nombre de familles nord-américaines sont en mode préparation pour le réveillon de Noël, les joueurs de baseball professionnel commencent tranquillement à voir la lumière au bout du tunnel. Chaque jour qui passe les rapproche du moment où ils devront se rapporter à leur camp d’entraînement respectif.

Chaque année, des dizaines de milliers de fans se déplaceront en Arizona ou en Floride pour avoir la chance d’enfin revoir leurs joueurs préférés évoluer d’encore plus près qu’à l’habitude. Les stades de la Ligue des pamplemousses ou de la Ligue des cactus sont en effet beaucoup plus petits et accessibles que les stades de saison régulière. Ceci crée un contexte unique et idéal pour les contacts entre joueurs et partisans.

Dans 54 jours, les lanceurs et receveurs des ligues majeures amorceront leur préparation pour la saison 2018

Le spring training

Tout cela fait partie de ce que l’on appelle le Major League Spring Training. C’est le côté le plus glamour du camp d’entraînement printanier. Celui où seuls les vétérans des majeures ou les espoirs haut cotés sont invités. J’ai joué dans l’organisation des Braves pendant 4 ans, mais je n’ai jamais mis les pieds au Major League Spring Training.

C’est plutôt du côté du camp des ligues mineures que je me trouvais. Beaucoup moins glamour! Une centaine de joueurs bien entassés dans des vestiaires. Les pratiques sur les terrains au fin fond du complexe. Les quelques fans qu’on croisait étaient définitivement des purs et durs. Lorsque l’on vit l’expérience, cela peut devenir extrêmement redondant et pénible par moments. Par contre, quand on y repense quelques années plus tard, on réalise que c’était le paradis.

Un mois d’adaptation

En 2010, lorsque les Braves m’ont repêché, j’ai été assigné comme tout joueur fraîchement acquit à leur filiale de la Gulf Coast League à Orlando, dans la ligue des recrues de la Floride. Pendant le dernier mois de la saison, j’ai pu goûter un peu à l’expérience du baseball professionnel en lançant une dizaine de manches avec un certain succès. L’échantillon était petit, mais cela m’a permis de prendre confiance et de réaliser que j’étais à ma place parmi les pros. Ou en tout cas, je le croyais.

Une fois la saison terminée, je suis retourné à la maison me reposer quelques semaines avant de reprendre le collier. Pour la saison morte, mon but était simple. Je voulais arriver au camp d’entraînement et me décoller cette étiquette qui me suivait, celle d’un choix TRÈS tardif de 47e ronde. Je m’entraînais dans le but de leur faire comprendre que j’étais un pro à part entière comme tous les autres prospects de l’organisation.

J’avais même passé mon mois de février en entier en Arizona pour peaufiner ma préparation au chaud, pour arriver en parfaite forme au camp. Après quelques jours de repos à la maison au Québec, je m’étais envolé pour Orlando au début mars pour mon premier camp d’entraînement printanier.

Le complexe d’entrainement des Braves d’Atlanta à Orlando en Floride. Photo : ESPN Wide World of Sports

État de choc

Lorsque je me suis joint aux Braves en 2010, le premier jour de ma carrière dans la ligue des recrues a certainement été un choc culturel. La moitié des 30 joueurs de l’équipe étaient unilingues espagnols. J’étais le seul francophone de l’organisation. Je parlais bien anglais, mais il reste que notre culture est différente de celle des Américains, des Dominicains ou des Vénézuéliens. Mais le véritable choc, je l’ai vécu lorsque j’ai réalisé l’ampleur du défi qui était devant moi lors de ma première journée au Spring Training. Jusque-là, je n’avais jamais réalisé à quel point une organisation professionnelle de baseball était volumineuse.

À mon arrivée au camp d’entraînement des mineures en mars 2011, j’ai vraiment compris l’immensité de la structure. Chez les Braves, nous avions une équipe de niveau recrue (Orlando, Floride), une équipe de niveau recrue avancé (Danville, Virginie), une équipe niveau A (Rome, Géorgie), une équipe niveau A fort (Myrtle Beach, Caroline du Sud), un club niveau AA (Mississippi) et un club de niveau AAA (Gwinnett, Géorgie). Donc 6 équipes d’environ 25 joueurs, plus des joueurs invités au camp qui n’étaient pas là l’année précédente. On parle d’environ 160 joueurs. Appeler le Minor League Spring Training, une jungle serait un euphémisme.

Moi qui croyais avoir pris confiance la saison précédente en me comparant à une dizaine d’autres lanceurs du plus bas niveau des mineures…

Prise de conscience

C’est alors que tu prends conscience de beaucoup de choses en très peu de temps. Tu réalises que les 160 autres joueurs sont TOUS des joueurs exceptionnels. Que chacun d’entre eux est un athlète qui a dominé partout où il a passé. Tu réalises qu’une balle rapide à 90 MPH n’excite plus personne. Tu réalises qu’à six pieds et cinq pouces et 230 livres, tu n’es plus un géant. Dans le baseball professionnel, un lanceur de moins de 6 pieds et 2 pouces est rare. Tu réalises que sur 160 joueurs au camp, 80 d’entre eux sont des lanceurs. Ces 80 lanceurs compétitionnent donc tous pour les 11 ou 12 postes disponibles avec l’équipe des ligues majeures. Mais surtout, tu réalises que toi, qui es le dernier arrivé, tu es tout en bas de l’échelle.

Chaque instant d’un camp d’entraînement se trouve à être une bataille. La centaine de joueurs présents n’ont qu’un seul but : s’établir dans les majeures. Photo : MarinersPR

Sortir du lot

J’étais le choix de 47e ronde de l’année précédente. J’étais techniquement le joueur avec le moins de valeur si l’on se fie à mon rang de sélection. Une fois le choc passé, il fallait donc se mettre au boulot. Ma préparation n’ayant pas été négligée, je m’étais moi-même surpris au test physique de début de camp. Je laissais de bonnes impressions partout où je passais. J’essayais le plus possible de dégager une image positive. Avec autant de joueurs de haut niveau au même endroit, un joueur comme moi se devait absolument de faire parler de lui pour les bonnes raisons.

Beaucoup de gens pourraient croire qu’être un québécois francophone qui parle l’anglais avec un accent m’aurait nui. En réalité, j’ai découvert que c’était une façon de plus pour sortir du lot. J’étais différent et lorsqu’on est dans une compétition aussi relevée, c’est une très bonne chose. Peut-être que je me trompais, mais lorsque j’imaginais tous les dirigeants de l’organisation dans la salle de conférence, au moment de prendre une décision ou d’évaluer le personnel, je savais que tout le monde savait très bien qui était le frenchy. Évidemment que le parcours n’allait pas être plus facile, mais au moins, j’avais le sentiment que je serais évalué de façon juste.

 Sensations inoubliables

Un Burns de Fort Worth, un Lafrenière de Saint-Bruno, et un Perez de Acarigua. Source : François Lafrenière

Malgré toute cette adversité, la motivation était vraiment facile à trouver. Chaque matin, je me présentais à mon casier, là où un uniforme avec un logo des ligues majeures portait mon nom de famille dans le dos. Chaque fois, je trouvais la situation surréaliste.

Chaque matin, j’avais l’opportunité de représenter et de rendre fier tous ceux qui de près ou de loin m’avaient aidé dans mon cheminement. Chaque matin, je quittais le vestiaire avec mes crampons dans une main et mon gant dans l’autre. J’avais l’immense privilège d’être accosté par quelques fans qui voulaient des autographes. Chaque matin, j’avais l’opportunité de vivre ma passion supervisée par les meilleurs entraîneurs, les meilleurs préparateurs physiques et les meilleurs thérapeutes du baseball. J’avais la chance de le faire sur de magnifiques terrains parfaitement entretenus. Chaque matin, on me donnait une belle balle neuve pour me lancer avec un coéquipier.

J’aurais certainement pu faire un texte tout aussi long sur les côtés négatifs des camps d’entraînement. La pression qu’on y ressent est immense et constante. Combien de rêve j’ai vu se briser lorsque des joueurs ont été renvoyés à la maison sans avertissement. Des blessures importantes qui ont compromis des carrières. Bien peu de joueurs réussissent à gravir les échelons et à graduer avec le grand club. Malgré tout, je réalise à 100% le privilège que j’ai pu avoir de vivre cette expérience. Le baseball est définitivement le plus beau sport au monde.

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