Toni Stone : la pionnière oubliée

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Alexandra Philibert

Publié le 17 octobre 2021 à 10h00

Les plafonds de verre, ou plutôt de béton devrais-je dire, que les femmes brisent dans le domaine du sport sont importants et de plus en plus fréquents. C’est aussi le cas dans le baseball au niveau administratif (Allô Kim Ng), de l’équipe des entraîneurs ou encore du côté des diffuseurs. Beaucoup de premières ont lieu et c’est tant mieux. Toutefois, on oublie souvent l’existence de Toni Stone. Une pionnière oubliée qui a fait ses armes et qui a surtout explosé le plafond de béton dans la Negro League.

Longtemps, la Negro League n’aura été qu’une ligue réservée aux hommes noirs et puis arriva une femme noire du nom de Toni Stone.

Racisme et discrimination

Probablement que vous vous dites que Toni aurait pu jouer dans la ligue pour femme dans les années 1940 et 1950. Le problème, c’est que la All-American Girls Professional Baseball League n’a pas voulu d’elle et de son talent dans ses rangs de par sa couleur de peau. Sa route a donc été plus longue et difficile que prévu afin de continuer à jouer au baseball. C’est pour ça qu’elle s’est tournée vers la West Coast Negro Baseball League, la East Coast Negro Baseball League et la Negro Southern League avant d’aller dans la Negro American League, une ligue complètement masculine et la plus grosse du circuit pour la communauté noire. Je vous invite d’ailleurs à vous renseigner sur l’histoire de cette ligue.

Toni Stone est donc devenu la première femme, de trois, à jouer pour une équipe professionnelle de baseball dans une grosse ligue américaine masculine, en 1953, avec les Clowns d’Indianapolis après avoir débuté sa carrière en 1946 avec les Sea Lions de San Francisco, pour ensuite rejoindre les Creoles de la Nouvelle-Orléans et les Blacks Pelicans de la même ville dans les « petites » ligues mentionnées plus haut.

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Source : Getty Images

Pourquoi les Clowns ont-ils fait appel à elle? Afin de remplacer Hank Aaron au 2e but, ce dernier ayant été rejoindre les Braves de Milwaukee dans la MLB. Ça vous donne une idée de l’étendu du talent de Stone. En 50 matchs avec les Clowns, elle s’est montrée solide en défense et a frappé pour .243. Toutefois, ce n’est pas pour autant que les partisans, les entraîneurs, les propriétaires et ses coéquipiers ainsi qu’adversaires la respectaient. On ne compte plus les insultes et blessures subies en regard de son genre. Parce qu’on sait tous qu’une femme, noire de surcroît, ne mérite pas le même respect.

(Ceci est du sarcasme avec des yeux qui roulent. Toute femme, peu importe sa couleur de peau, mérite un respect égal à l’homme blanc. Merci, bonsoir. Bien sûr, les années 1940 et 1950 était une autre époque… ou pas tout à fait finalement quand on regarde ce qui se passe en 2021).

Laisser sa marque

Donc, ce ne fut pas une mince affaire pour Toni Stone de laisser sa marque dans l’histoire du baseball. Avec le racisme, toute sa carrière, elle a aussi dû faire face à de la discrimination en regard de son genre. Beaucoup la maltraitait et ne reconnaissait pas ses droits en tant qu’humaine parce qu’elle était noire et une femme de surcroît. Elle n’avait pas le droit de se changer dans la chambre des joueurs, elle le faisait donc dans des espaces ordinaires et probablement insalubres. Et puis les hommes autour d’elle faisaient exprès de tenter de la blesser avec leurs crampons.

Ce n’est pas ce qui allait l’arrêter. Ces blessures, non méritées, elle les brandissait comme des blessures de guerre, guerre qu’elle gagnait.

Aucune autre femme jusqu’ici n’a réussi à égaler les accomplissements de Toni Stone. En 1990, Toni Stone a été incluse dans les expositions du National Baseball Hall of Fame and Museum « Women in Baseball » et « Negro League Baseball ». C’est toutefois en 1993 qu’elle a été intronisée au Women’s Sports Hall of Fame and the International Women’s Sports Hall of Fame.

Un petit clin d’oeil

Au cours de la dernière saison (2021), nous avons pu voir les Giants de San Francisco changer leur nom l’espace d’une soirée afin de rendre hommage à Toni Stone et la Negro League, avec le nom des Seal Lions de San Francisco. Les Mariners ont fait de même avec un changement temporaire pour les Steelheads.

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Source : Star Chronicle

Ce sont effectivement de beaux clins d’oeil, mais il est grand temps que Toni Stone soit reconnue à sa juste valeur dans l’histoire du baseball.

Elle mérite plus qu’une mention ou un article à chaque mois de l’histoire des Noirs. Elle a brisé des tabous à sa façon et a pavé la voie pour plusieurs femmes après elle. Certains diront « ouin, mais il n’y a eu que deux femmes par la suite. » Oui, mais ce sont deux femmes de plus et son impact n’est pas que sur le terrain. C’est l’accessibilité au baseball en soi qu’elle a offerte en héritage. C’est une bataille contre le racisme et la discrimination qu’elle a menée.

Est-ce que ce serait bien de voir une femme jouer dans la MLB? Bien sûr, mais le débat ne se situe pas ici. Pas avec cet article. Ce qu’il faut reconnaître ici, c’est l’important des femmes dans le sport à tous les niveaux au même titre que les hommes. Qu’à talent égal, la femme puisse avoir les mêmes chances d’embauche qu’un homme.

Parce qu’après tout, même si elle n’avait pas les statistiques d’Hank Aaron, c’est quand même elle que les Clowns ont considéré, mais surtout embauché, pour le remplacer au deuxième but. C’est un fait non négligeable.

Toni Stone est une pionnière oubliée dans la narrative et elle mérite que les projecteurs soient sur elle pour tout ce qu’elle a fait.

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