Le baseball est devenu « difficile à regarder »

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Maxime Lauzier

Publié le 24 août 2018 à 14h30

Le baseball majeur connaît sa pire saison en matière d’assistance. La popularité du passe-temps préféré des Américains chute d’année en année des deux côtés de la frontière. Le sport est tout simplement devenu « difficile à regarder ». Ces mots sont ceux de Goose Gossage, ancien joueur et membre du Temple de la renommée. Il fait partie de plusieurs autres légendes du sport et joueurs actifs à exprimer ouvertement leurs inquiétudes sur notre sport. Selon eux, cette phase difficile s’explique par la culture du « tout ou rien » et des changements aux règlements.

https://twitter.com/ScottMillerBbl/status/1031573297580793857

Le « tout ou rien »

Le « tout ou rien » est l’expression utilisée par Scott Miller de Bleacher Report pour décrire la tendance à réduire le baseball à deux éléments : les coups de circuit et les retraits sur des prises. Cette culture s’est implantée dans le baseball au cours des dernières années. Elle consiste à mettre sur le terrain des joueurs capables de faire deux choses seulement : lancer des prises ou bien frapper des coups de circuit, et rien d’autre.

Leur stratégie fonctionne assez bien jusqu’ici. En 2018, le nombre total de retraits sur des prises dans les Ligues majeures dépassent le nombre total de coups sûrs pour la première fois de l’histoire. Le nombre de coups de circuit a également monté en flèche. Les longues balles ont produit plus de 40 % des points marqués jusqu’ici cette saison (42 % en 2017), alors que les bombes représentaient 33 % de la production en 2014.

Les conséquences

Comprenons-nous bien : un circuit demeure très impressionnant, tout comme voir un lanceur déculotter un frappeur. Cependant, ce changement de culture détruit plusieurs aspects du jeu.

Au bâton

Premièrement, les frappeurs ne cherchent plus à frapper la balle intelligemment et à atteindre les sentiers. La seule chose qu’ils visent est la clôture du champ. Ils s’élancent avec puissance, mais peu de précision. Ceci a pour effet d’augmenter le nombre de circuits, oui, mais aussi le nombre de retraits sur des prises. Par exemple, JD Martinez figure au deuxième rang des Ligues majeures pour le nombre de circuits et premier pour les points produits, mais aussi premier pour le nombre de retraits sur des prises. Giancarlo Stanton, un autre joueur très convoité, a été retiré au bâton plus de 120 fois à chacune de ses saisons dans les Majeures sauf une, où il a manqué la majorité de la saison en raison d’une blessure.

J.D. Martinez
JD Martinez – Photo : Rus America

De plus, le « tout ou rien » réduit le nombre de jeux défensifs. La balle est de moins en moins mise en jeu, c’est-à-dire qu’elle est frappée de façon à forcer la défensive à agir de quelque façon que ce soit, un relais au premier but ou encore un double-jeu. En 2018, près d’une présence au bâton sur trois (31,6 %) se termine sans que la balle soit frappée (un retrait sur des prises, un but sur balles ou un frappeur atteint). Tom Verducci de Sports Illustrated a calculé que le temps moyen entre les balles en jeu est maintenant de 3 minutes et 45 secondes et tend à s’allonger. Les partisans doivent attendre de plus en plus longtemps pour voir quelques secondes d’action.

Cette culture tend aussi à éliminer plusieurs stratégies offensives qui ajoutaient au spectacle, comme le court-et-frappe et les vols de but. La prudence, le manque d’agressivité sur les sentiers et le nombre croissant de prises sur élan menacent leur existence.

Les lanceurs

Cette nouvelle culture a aussi un impact sur les lanceurs. Les dépisteurs cherchent désormais des machines à lancer des prises à 100 milles à l’heure. Cependant, un lanceur partant puissant s’épuise plus rapidement. Il ne participera que rarement à plus de cinq manches et un tiers (le minimum pour enregistrer une victoire) et sera remplacé par une série d’autres lanceurs très puissants en relève. Mon collègue Yann Langlais Plante a d’ailleurs écrit un article très intéressant à ce sujet et sur la disparition des matchs complets.

https://passionmlb.test/2018/08/les-matchs-complets-en-voie-de-disparition/

Les changements au règlement

Scott Miller croit aussi que le sport est en baisse de vitesse à cause des changements apportés au cours des dernières années :« L’émotion et l’énergie disparaissent des matchs une reprise vidéo et une décision administrative à la fois. » L’introduction des reprises vidéo a fait disparaître les confrontations avec les arbitres. Pourtant, c’était de grands moments de baseball. Plusieurs gérants colorés en avaient même fait leur marque de commerce. L’ancien gérant des Reds de Cincinnati, Pete Rose, croit qu’il serait expulsé de chaque rencontre aujourd’hui. Notre seul espoir de voir un peu d’action est la zone des prises, que plusieurs proposent malheureusement de remplacer par un ordinateur. Ce serait ajouter au drame que vit le baseball actuellement. La décision d’interdire les contacts au marbre et au deuxième coussin est aussi évoquée comme un frein au spectacle que donnait le baseball.

« À la croisée des chemins »

Selon Tony Clark, président de l’Association des joueurs, la baisse de popularité est une préoccupation pour les athlètes qu’ils représentent. Mike Trout et Albert Pujols parlent régulièrement de ces problèmes. Il y a une volonté de changer cette culture imposée, pour reprendre les mots de Gossage, par un conseil de « nerds » à la tête de la Ligue et des équipes. Le membre du Temple de la renommée Don Sutton est optimiste : « Aussitôt que quelqu’un décide que ce n’est plus une bonne idée, tout le monde repêchera différemment. » Entretemps, Scott Miller conclut que notre sport est à la croisée des chemins.

Source : Bleacher Report

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